Ixodes ricinus
Ixodes ricinus est l'une des centaines d'espèces de tiques connues dans le monde. Ses populations semblent en augmentation depuis quelques décennies dans de nombreuses régions de l'hémisphère Nord.
Ixodes ricinus (ou tique du mouton jadis aussi dite «tique du chien», nom aussi donné à une autre espèce de tique : Rhipicephalus sanguineus) est l'une des centaines d'espèces de tiques connues dans le monde. Ses populations semblent en augmentation depuis quelques décennies dans de nombreuses régions de l'hémisphère Nord.
Dans la famille des ixodidés, cet acarien est classé parmi les tiques à corps dur[1].
Sa nymphe et en particulier l'adulte s'attaquent volontiers à l'homme. I. ricinus une des quelques tiques qui véhiculent généralement certaines maladies (parasitoses) transmissibles à l'Homme, dont :
- la maladie de Lyme,
- la méningo-encéphalite à tique (ou méningo-encéphalite verno-estivale) [2], et de l'encéphalite virale ovine (louping ill) chez le mouton [3].
Comme l'ensemble des tiques, cette espèce est dépourvue d'yeux, mais elle semble néenmoins pouvoir se diriger et même cibler des proies ou certaines zones du corps où la peau et plus fine lorsqu'elle est entrée en contact avec une proie.
Ces acariens sont pourvues de cellules jouant un rôle comparable à celui de l'odorat (sur une patte) et de cellules photosensibles mises en évidence par Peter-Allan Diehl et Michèle Vlimant (Laboratoire de physiologie animale, Neuchâtel, Suisse) sur les deux flancs de l'animal. L'animal sait ainsi s'il fait jour ou nuit, et peut peut-être détecter des mouvements d'animaux s'ils interceptent la lumière qui arrive à la tique.
Habitat, répartition
Cette espèce vit à proximité du sol (litière et herbacées, quelquefois sur les basses branches d'arbres ou buissons) dans les forêts, bois, haies et zones boisées ou à l'endroit où elle a pu être transportée par des animaux tels que cervidés ou sangliers.
Elle est beaucoup distribuée en Europe, de l'Afrique du Nord à la Scandinavie et de l'Irlande à la Russie centrale [4] [5] (avec d'importantes variations spatiotemporelles par exemple en Irlande[6], au Royaume-Uni[7], et en Suisse [8])
Elle a - en Suisse - été décrite jusqu'à une altitude de 1 450 m[9].
Prédateurs
Ces tiques (et leurs larves) peuvent dans certains cas être consommées par des oiseaux ou reptiles ou petits mammifères dits «insectivores», mais elles semblent aussi dans la nature en particulier contrôlée par des parasites et par divers microorganismes pathogènes, dont :
- des champignons (dont Metarhizium anisopliæ, Beauveria bassiana, Pæcilomyces fumosoroseus qui s'avèrent en laboratoire particulièrement efficacement mortels pour les tiques en 5 à 25 jours... ) Des blastospores pourraient peut-être être plus efficaces que des conidiospores pour le contrôle biologique des tiques.
- des nématodes (Exemples : Steinernema spp. and Heterorhabditis sp. qui sont capables d'inoculer leurs bactéries symbiotes (Xenorhabdus, Photorhabdus) qui tuent rapidement la tique ainsi co-parasitée. Ces bactéries liquéfient l'intérieur de la tique que les nématodes peuvent ensuite digérer. Les nématodes ne se reproduisent pas dans la tique, mais ensuite dans l'eau interstitielle du sol ou dans le sol humide). (Des forêts trop drainées, trop sèches et trop éclairées pourraient faciliter la régression de ces nématodes, de même que les zones éclairées la nuit par un éclairage artificiel ?). In vitro, 10 à 40 % des tiques femelles non alimentées et contaminées meurent ; S. carpocapsæ semblant être le nématode le plus fréquemment mortel pour ces tiques, d'autant plus que le taux d'infestation est élevée (deux fois plus de mortalité avec un «ensemencement» de 600 nematodes/cm² de substrat que pour 300 nematodes/cm².
- des guêpes parasitoïdes (entomopathogènes) qu'on voudrait aussi d'utiliser pour la lutte biologique contre les tiques mais qu'on ne sait pas encore élever en masse (Exemple : Ixodiphagus hookeri (Encyrtidæ) antérieurement appelée Hunterellus hookeri ou Ixodiphagus caucurtei[10]
La régression de ces prédateurs pourrait éventuellement contribuer à une augmentation des populations de tiques.
Pathogénicité et comportements (interactions durables) avec les borrelies (bactéries responsables de la maladie de Lyme)
Ixodes ricinus, comme l'ensemble des tiques se développe en passant par plusieurs stades. Elle doit se nourrir de sang. Les individus de chaque stade partent par conséquent en quête d'une proie à parasiter. La quête se fait durant la belle saison, de mai à septembre principalement avec des variations selon la latitude et l'altitude. Le suivi de cette espèce en Suisse (depuis 1996) a montré que cette espèce est particulièrement sensible au climat et surtout à la douceur température hivernales ainsi qu'aux températures nocturnes de la belle saison.» Ainsi les tiques de l'ouest de la Suisse escaladent les herbacées et entament leur quête de proie dès février si la température moyenne de janvier dépassait 4 °C, mais elles n'apparaissent qu'en mars si cette même température n'a pas dépassé 2°C. Au-delà d'une certaine altitude, elles ne survivent pas [11].
Au début des années 2000, Jean-Luc Perret a montré que les déplacements des nymphes sont principalement nocturnes et qu'ils sont fortement influencés par les conditions thermohygrométriques, avec deux précisions écoépidémiologiquement importantes :
- En laboratoire, ces déplacements doublent (en moyenne) lorsque la température passe de 15 à 25 °C (la tique effectue un trajet moyen de 44 cm/nuit par une humidité correspondant à une température de 15°C, à 110 cm dans un air plus sec à 25°C. En condition de laboratoire, certaines tiques ont ainsi parcouru jusqu'à 9, 6 mètres en une nuit.
- De plus, Jean-Luc Perret a noté que lorsque l'atmosphère est plus sèche et plus chaude, les déplacements de cet arthropode sont particulièrement exacerbés s'il est infecté par certains spirochète ; Ainsi, les tiques infectées par Borrelia Burgdorferi (sensu lato), qui est l'agent bactérie responsable d'une grande partie des maladies de Lyme en Amérique du Nord se déplaçaient plus fréquemment et sur qui plus est longues distances que les tiques non infectées, ce qui est a priori favorable aux chances que la bactérie a d'infecter un nouvel hôte-réservoir puis d'autres tiques. Il est ainsi envisageable qu'il existe une interaction durable résultant de la co-évolution des spirochètes et des tiques et peut-être d'espèces-hôtes qui ait rendu le parasite capable de contrôler une partie du comportement de l'arthropode. C'est un phénomène connu chez d'autres espèces.
Le drainage des forêts, et leur déshydratation par les routes qui les traversent et par les coupes rases, combinés au réchauffement climatique pourraient par conséquent exacerber la circulation des tiques et les "chances" qu'elles ont de contacter de nouvelles espèces réservoir et d'ainsi étendre les zones où la maladie est endémique. L'impact du climat sur les tiques, dont sur I. ricinus est toujours débattu, mais la population suédoise d'I. ricinus a été démontré en extension vers le Nord et vers l'Ouest de la Suède, selon un pattern spatiotemporel qui évoque une relation avec le réchauffement climatique [12] [13],
Le microclimat et le climat régional exercent une influence importante sur la durée de la quête. Les nymphes d'Ixodes ricinus restent à l'affût pendant 20 heures dans des conditions sèches, mais elles sont capables de patienter jusqu'à 40 heures sitôt que l'humidité et la température augmentent. Passé ce délai, elles reviennent au sol pour se réhydrater dans la litière humide. Une fois requinquée, quelquefois dès la nuit suivante, la tique se met spontanément en route pour trouver une place parfaite dans la perspective d'une nouvelle quête.
Des tests sont faits sur le terrain Université de Bourgogne – IRD) pour étudier la spécificité des sexes vis-à-vis des hôtes vertébrés d'Ixodes ricinus. Le groupe de travail "Tiques et Maladies à Tiques"[14] du Réseau Ecologie des Interactions Durables (REID) s'intéresse en France aussi à l'«écologie intra-tique» des micropathogènes véhiculés par les tiques, et surtout aux phénomènes de co-infections et de conflits entre pathogènes se développant à l'intérieur d'Ixodes ricinus ou ingérés par cette dernière et y survivant en étant capables d'interagir avec d'autres pathogènes.
Ixodes ricinus et maladie de Lyme
La maladie de Lyme semblent émergente et en rapide augmentation. Elle touche ceux qui vivent et travaillent en forêt, mais également un nombre croissant d'urbains piqués par des tiques, en vacances ou lors de promenades dominicales[15]. La fréquence des promenades en forêt, et une prolifération des tiques certainement favorisés par les dérèglements climatiques et par certaines modifications écopaysagères dans de nombreuses régions boisées ou forestières de l'hémisphère nord semblent pouvoir expliquer une augmentation des cas de cette maladie ;
- régression des hyper-parasites et entomopathogènes qui devraient normalement décimer une partie des populations naturelles de tiques,
- augmentation de populations-réservoirs (micromammifères... )
- augmentation d'espèces porteuses de borrelies pathogènes (espèces-gibier dont cervidés et sangliers qui peuvent rapidement les véhiculer sur de longues distances) et qui sont sur-favorisées par l'agrainage et par le recul ou la disparition de leurs prédateurs sauvages qui n'éliminent par conséquent plus les animaux malades ou les plus parasités.
Prévalence
Selon une étude suisse publiée en 2004[16], le taux de tiques infectées et le nombre de tiques fluctue sensiblement selon les années et selon le gradient altitudinal, mais (à titre d'exemple et pour cette zone et période d'étude) :
- plus l'altitude est basse, plus les tiques sont plus nombreuses à être infectées, et plus élevée est la diversité de borrélias trouvées,
- Les adultes sont plus nombreux à être infectés que les nymphes (30% des adultes (qui se sont plus fréquemment nourries sur des mammifères tels que chevreuil, sanglier ou lapin) étaient infectés contre 21 % des nymphes, qui se nourrissent plutôt sur des oiseaux et micromammifères).
- Plus il y a de tiques adulte dans l'environnement, plus les tiques sont infectées par B. burgdorferi chez les adultes, mais non chez les nymphes, ce qui laisse penser que le degré de prévalence de l'infection chez les espèces-réservoir est écoépidémiologiquement important.
- cinq espèces de borrelies ont été trouvées : B. garinii, B. burgdorferi (sensu stricto), B. afzelii, B. valaisiana, et B. lusitaniæ.
- 5 tiques sur 140 infectées étaient infectés par deux espèces différentes de borrélias.
Au Pays basque espagnol, une étude [17] a recherché des Borrélias chez 7 835 tiques (ixodes, de huit espèces différentes).
Un peu moins de 12, 5% des I. ricinus adultes en portaient, contre uniquement légèrement plus de 0, 6% des nymphes.
Deux ans plus tard, 1535 tiques ont été collectées sur 10 zones, à l'endroit où I. ricinus était l'espèce dominante. Des tiques infectées ont été trouvées dans l'ensemble des zones (9, 3 % des adultes et 1, 5% des nymphes). Neuf isolats de B. burgdorferi ont été trouvés appartenant à quatre espèces différentes (B. burgdorferi sensu stricto, B. garinii, B. valaisiana, et B. lusitaniæ), ce qui laisse penser que la maladie de Lyme peut aussi s'exprimer dans ces régions.
Notes et références
- ↑ Mangold AJ, Bargues MD, Mas-Coma S, «18S rRNA gene sequences and phylogenetic relationships of European hard-tick species (Acari : Ixodidæ) », dans Parasitol. Res. , vol. 84, no 1, 1998, p. 31–7 [lien PMID lien DOI]
- ↑ Lindgren E, Tälleklint L, Polfeldt T, «Impact of climatic change on the northern latitude limit and population density of the disease-transmitting European tick Ixodes ricinus», dans Environ. Health Perspect. , vol. 108, no 2, 2000, p. 119–23 [lien PMID lien DOI]
- ↑ Louping ill, 5 août 2005, Center for Food Security and Public Health, College of Veterinary Medicine, Iowa State University
- ↑ Gern, L. and P. F. Humair. Ecology of Borrelia burgdorferi sensu lato in Europe. J. Gray O. Kahl R. S. Lane G. Stanek Lyme borreliosis biology, epidemiology and control 2002.149-174. CAB Mondial Wallingford, Oxon, United Kingdom
- ↑ Korenberg, E. I. Seasonal population dynamics of Ixodes ticks and tick-limite encephalitis virus. Exp. Appl. Acarol 2000.24 :665–681. CrossRef, Medline, CSA (MedLine)
- ↑ Gray, J. S. Studies on the dynamics of active populations of the sheep tick, Ixodes ricinus L. in Co. Wicklow, Ireland. Acarologia XXV. 1984.167–178
- ↑ Lindgren, E., L. T. älleklint, and T. Polfeldt. Impact of climatic change on the northern latitude limit and population density of the disease-transmitting European tick Ixodes ricinus. Environ. Health Perspect 2000.108 :119–123 (CSA)
- ↑ Perret, J. L., E. Guigoz, O. Rais, and L. Gern. Influence of saturation deficit and temperature on Ixodes ricinus tick questing activity in a Lyme borreliosis-endemic area (Switzerland). Parasitol. Res 2000.86 :554–557. (MedLine)
- ↑ Cotty, A., A. Æschlimann, and S. Schneeberger. Distribution et fluctuation d'Ixodes ricinus (L. ), Hæmaphysalis punctata (Can & Franz. ) et Dermacentor marginatus (Sulzer) (Acarina, Ixodoidea) en Suisse. Mitt. Schweiz. Entomol. Ges 1986. 59 :139–150
- ↑ Dr. Kathrin Hartelt RPS, Landesgesundheitsamt «Biological control of the tick Ixodes ricinus with entomopathogenic fungi, nematodes and parasitic wasps» (Le contrôle biologique des tiques du genre Ixodes ricinus par des champignons, des nématodes et des guêpes parasitoïdes entomopathogènes) Voir (PDF d'un PowerPoint de 18 diapositive)
- ↑ article intitulé Lorsque les tiques jouent à Loft Story, du 10.03.2003 relatif à la thèse de Jean-Luc Perret
- ↑ Tälleklint, L. and T. G T. Jænson. Increasing geographical distribution and density of Ixodes ricinus (Acari : Ixodidæ) in central and northern Sweden. J. Med. Entomol 1998.35 :521–526. (MedLine)
- ↑ Lindgren, E., L. T. älleklint, and T. Polfeldt. Impact of climatic change on the northern latitude limit and population density of the disease-transmitting European tick Ixodes ricinus. Environ. Health Perspect 2000.108 :119–123. (Lire l'article en ligne)
- ↑ de Travail "Tiques et Maladies à Tiques"
- ↑ Pichot J., Gilot B., Almire N., Polette K. Et Degeilh B. Ixodes populations (Ixodes ricinus Linné, 1758 ; Ixodes hexagonus Leach, 1815) in the city of Lyon (France) and its outskirts : preliminary results. ; Parasite, 1997, 2, 167-171.
- ↑ Fatima Jouda, Jean-Luc Perret, Lise Gern ; Ixodes ricinus Density, and Distribution and Prevalence of Borrelia burgdorferi Sensu Lato Infection Along an Altitudinal Gradient ; 2004
- ↑ Marta Barralab, Ana L. García-pérezb, Ramón A. Justeb, Ana Hurtadob, Raquel Escuderoc, Ricela E. Sellekcd, and Pedro Andac ; Distribution of Borrelia burgdorferi sensu lato in Ixodes ricinus (Acari : Ixodidæ) Ticks from the Basque Country, Spain ; Journal of Medical Entomology (Published by : Entomological Society of America) 39 (1) :177-184.2002
Voir aussi
Liens externes
Bibliographie
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